La cantatrice Rosalie Levasseur
Au cours de l'opéra Alceste, de Gluck, la cantatrice Rosalie Levasseur chante : « Il me déchire et m’arrache le cœur. » Exclamation d'un spectateur :
- Et vous, mademoiselle, vous m’arrachez les oreilles !
- Ah, monsieur, ce serait un grand service à vous rendre si c’est pour vous en donner d’autres.
UNE IDÉE DE PEINTURE
Marie-Rose-Claude-Josèphe Levasseur dite Rosalie Levasseur est une cantatrice du XVIIIe siècle peinte Jean-Baptiste VAN LOO (attribué) 61 H ; 50 L Propriété de l'Etat, donation sous réserve d'usufruit, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
La famille Van Loo présente l'exemple d'une de ces dynasties d'artistes assez fréquentes au xviiie siècle. Son nom suffit à indiquer une origine flamande, mais ses membres les plus importants sont nés dans le Midi (Aix-en-Provence ou Nice). Les églises et les musées de la région conservent encore une part notable de leurs œuvres, en particulier le musée Chéret de Nice.
Le plus célèbre de son temps fut Carle Van Loo (1705-1765). Sa formation fut aussi italienne que française puisque, avant même le séjour à Rome comme pensionnaire de l'Académie de France (1727-1731), il avait accompagné son frère aîné, Jean-Baptiste, en Italie, entre cinq et quinze ans. Élève brillant, il connaîtra toute sa vie les plus beaux succès de carrière : premier peintre du roi en 1762 et directeur de l'Académie en 1763.
UN PEU D'HISTOIRE MODERNE
Rosalie Levasseur est née à Valenciennes le 8 octobre 1749, de parents à l'humble extraction. Ils n'étaient pas mariés et ont reconnu leur fille seulement en 1761. Le père, Jean-Baptiste Levasseur, a été un moment chantre à Valenciennes et a donné une éducation musicale rudimentaire à sa fille.
Les débuts de Rosalie Levasseur à l'Opéra de Paris sont modestes : elle y entre en 1766 et jusqu'en 1776 y tient des petits rôles (comme celui de l'Amour dans la version française de Orfeo ed Euridice de Gluck, en 1774) ou des remplacements.
Cependant, protégée par son amant, le comte Florimond de Mercy-Argenteau, ambassadeur d'Autriche, elle ravit à Sophie Arnould, le rôle-titre dans l'Alceste de Gluck. Formée par le compositeur, elle crée ensuite Armide (1777) et Iphigénie en Tauride (1779). Elle y connaît le succès et devient une chanteuse appréciée du public. Elle triomphe encore dans le rôle-titre d'Électre de Le Moine (1782) mais dut arrêter les représentations de Renaud de Sacchini et laisser sa place à la Saint-Huberty.
En 1773, elle est nommée musicienne de la Chambre du roi. Vedette exigeante voire capricieuse, défendant sa fortune, elle quitte l'opéra en 1785 non sans demander une pension de retraite supérieure à celle qu'elle aurait dû toucher.
Maîtresse de l'ambassadeur d'Autriche Mercy-Argenteau qui lui est très attaché, elle vit dans une maison sise sur les terres qu'il a achetées à Conflans-Sainte-Honorine Chennevières en 1772, dans laquelle ils vivent plus intimement. Leur liaison est de plus en plus ouverte lors de la retraite de la chanteuse en 1785, si bien qu'on a prétendu qu'ils s'étaient mariés en secret (aucun document ne le confirme : voir Pimodan, p. 218). En revanche, un enfant naît de leur liaison en 1783, que l'on appelle le chevalier Alexandre Henri Joseph de Noville— une terre appartenant à la famille Mercy. Rosalie l'adopte seulement en 1810.
Pour fuir la tourmente révolutionnaire, Mercy-Argenteau demande à être nommé à l'étranger : l'Empereur l'envoie en 1790 d'abord à La Haye puis à Bruxelles. Rosalie le rejoint deux ans plus tard. Mercy meurt en 1794.
UNE MUSIQUE D'UN BONHEUR CONTAGIEUX
Gluck - Alceste Overture - Berlin / Furtwängler 1951
Wilhelm Furtwängler (1886-1954) est un chef d'orchestre et compositeur allemand. Il fut l'un des plus importants chefs d'orchestre de l'histoire de la musique classique occidentale, notamment grâce à ses interprétations de la musique symphonique allemande ou autrichienne qui font encore référence pour les musicologues et les interprètes actuels.
https://youtu.be/m6H9E4nLZyc
Alceste est un opéra (tragédie en musique) en trois actes, composé par Christoph Willibald Gluck, créée le 26 décembre 1767 au Burgtheater à Vienne sur un livret de Ranieri de' Calzabigi.
Gluck en écrivit également une version en langue française, créée à Paris dix ans plus tard, le 23 avril 1776 par l'Académie Royale de Musique au Palais-Royal, dans une adaptation de Le Bland du Roullet.
Le livret est dérivé de la pièce d'Euripide Alceste.
Le sujet avait déjà été traité en 1674 par Lully dans une tragédie lyrique intitulée Alceste ou le Triomphe d'Alcide.
Cette œuvre n'a pas connu le succès d'Orfeo ed Euridice dû à la même équipe en raison de la faiblesse de l'action dramatique.
Les deux versions, italienne et française, sont très différentes.
La version de Paris est pratiquement une nouvelle œuvre. La transposition de l'italien au français imposa d'adapter la musique à la déclamation du français, et la musique de certaines scènes subit de profonds remaniements, Gluck ajoutant de nombreux airs et renforçant le rôle de l'orchestre. Certains de ces changements furent effectués sur le conseil de Jean-Jacques Rousseau, grand admirateur de Gluck. Par ailleurs, du Roullet supprimera trois personnages et en rendra deux muets, mais rétablira Hercule (présent chez Euripide mais qui ne figure pas dans la version italienne), introduira des coryphées, et condensera les scènes.
Le public parisien boudera cet Alceste jusqu'à l'ajout par Gluck d'un ballet final. La version parisienne est considérée comme très supérieure à la version viennoise et c'est cette version, souvent traduite en allemand, en italien ou en anglais, qui a été jouée aussi bien au XIXe qu'au XXe siècle sur les principales scènes d'opéra.
Gluck écrira après la première représentation : « Il n'y a point de temps pour elle ; j'affirme qu'elle plaira également dans deux cents ans. »