Portrait d'Étienne-François, duc de Choiseul, peint par Louis-Michel Van Loo
Accaparé par la lecture, le duc de Choiseul délaissait souvent sa femme. Celle-ci lui confie un jour :
- Je voudrais être un livre, ce serait ma seule chance d’être feuilletée par vous tous les soirs.
- Je vous préférerais en almanach, ma chère, car je pourrais en changer tous les ans.
UNE IDÉE DE PEINTURE
Portrait en buste d'Étienne-François, duc de Choiseul, marquis de Stainville peint par Louis-Michel Van Loo
(1707–1771) qui obtint le prix de Rome en 1725. Il fut reçu académicien en 1733 avec Apollon et Daphné à Paris, puis se rendit en Espagne de 1736 à 1753, où il devint, le portraitiste de la Cour et fut nommé en 1752 directeur de l'Académie de San Fernando.
Sensible aux nécessités du portrait d'apparat à la suite de Rigaud, il le fut aussi aux finesses de l'étude psychologique, qui rappellent certaines figures de Greuze.
Louis Michel Van Loo se montra cependant plus sensible dans ses portraits de famille, souvenirs des " conversation pieces " que son père avait dû connaître lors de son séjour à Londres : Carle Van Loo et sa famille (Versailles). En 1765, il succéda à son oncle Carle comme directeur de l'École des élèves protégés.
UN PEU D'HISTOIRE MODERNE
Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville, comte puis duc de Choiseul-(Stainville) (1758) et duc d'Amboise (1764), est un homme d'État français, né le 28 juin 1719 à Nancy et mort le 8 mai 1785 au château de Chanteloup. Il fut le chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770.
Il était préoccupé par la modernisation de l'État et son renforcement face au pouvoir de l'Église, symbolisant l'alliance sociologique et politique entre une frange libérale de la noblesse européenne et la bourgeoisie progressiste d'affaires, tout comme William Pitt en Grande-Bretagne, Pombal au Portugal, Tanucci à Naples, Du Tillot à Parme et Kaunitz en Autriche.
Son ami le baron de Gleichen, diplomate danois, l'a décrit comme « d'une taille assez petite, plus robuste que svelte, et d'une laideur fort agréable ; ses petits yeux brillaient d'esprit ; son nez au vent lui donnait un air plaisant ». Il est au contraire vu par ses ennemis comme un boute-feu qui a embrasé l'Europe. Bête noire de Frédéric II et de Catherine II, qui se plaignaient de son interventionnisme, il a œuvré à resserrer l'alliance défensive avec la cour de Vienne, à la suite du traité du 1er mai 1756, accélérateur de la guerre de Sept Ans.
UNE MUSIQUE D'UN NOVATEUR CONTESTÉ
Rameau : Platée, ouverture en la mineur
https://youtu.be/NXglnDWPhRY
Au début, ce premier opéra de Rameau étonne les contemporains : déroutés par la science de la modulation, la variété des timbres, la fusion étroite du chant, de l’orchestre et de la danse, il leur apparaît trop riche et compliqué : « ...Beaucoup de bruit, force fredon ; et lorsque par hasard il s’y rencontrait deux mesures qui pouvaient faire un Chant agréable, l’on changeait bien vite de ton, de mode, et de mesure, toujours de la tristesse au lieu de la tendresse, le singulier était du baroque, la fureur du tintamarre ; au lieu de la gaieté, du turbulent, et jamais de gentillesse, ni rien qui peut aller au coeur. » (in ”Mercure de France”, mai 1734). Par contre, le vieux compositeur André Campra soutient l’ouvrage. Il déclare au Prince de Conti : « Monseigneur, il y a dans cet opéra assez de musique pour en faire dix ! » Et il aurait ajouté : « Voici l’homme qui nous chassera tous ».
Platée est une comédie lyrique de Jean-Philippe Rameau, qualifiée de ballet bouffon à sa création, le 31 mars 1745 à Versailles, à l'occasion du mariage du fils de Louis XV, le dauphin Louis, avec l'infante espagnole Marie-Thérèse. « Certains esprits rieurs verront de nombreuses allusions à cet hymen dans l'intrigue entre Jupiter et Platée, notamment à cause de la réputation de laideron qui précédait la pauvre Marie-Thérèse. On ne peut que se réjouir que malgré cette discrète insolence Rameau ait peu après obtenu le poste de Maître de Musique de la Chambre du Roy »
Ca n’est pas la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf… c’est encore mieux! Irrésistible de laideur, la grenouille Platée est pourtant persuadée que le Dieu Jupiter est amoureux d’elle et veut l’épouser : de là découle la série de quiproquos qui insuffle à la comédie de Jean-Philippe Rameau son rythme, son ironie et son mordant – même si l’on finit par prendre en pitié la pauvre nymphe aquatique qui, de scène en scène, se rapproche de l’échec et de l’humiliation. Bijou de l’opéra baroque français, Platée se range parmi les « ballets bouffons ». Sur un livret de Valois d’Orville qui est petit chef-d’œuvre de mécanique comique, l’invention musicale de Rameau bouillonne : chaque scène est un mélange iconoclaste d’airs, de chœurs et de danses qui viennent peupler une intrigue truffée de rôles et de péripéties secondaires. Essayons d’imaginer que ce délire organisé fut présenté pour la première fois à la Cour de Versailles lors des noces du Dauphin et de Marie-Thérèse d’Espagne…