UNE ARTISTE VENUE DES FLANDRES Michaelina WAUTIER (1617-1689)
"La beauté commence au moment où vous décidez d'être vous-même."
COCO CHANEL
UNE ARTISTE VENUE DES FLANDRES
Michaelina WAUTIER (1617-1689)
Malgré le succès que connut l'artiste de son vivant, au contraire d'autres femmes peintres de son époque, son nom est tombé dans l'oubli après sa mort et nombre de ses tableaux ont été attribués à son frère, Charles Wautier (1609-1703), son cadet de cinq ans. Tous deux célibataires, ils partageront le même atelier à Bruxelles à partir de 1640, s'influençant l'un l'autre.
Michaelina se distingue par son activité de peintre d'histoire, fait d'exception dans l'histoire des femmes peintres, n'hésitant pas à produire des tableaux ambitieux, religieux et mythologiques. Elle est sans doute la première femme à peindre l'anatomie masculine dans son Triomphe de Bacchus, oeuvre magistrale et monumentale (vers 1655, 295 x 378cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne), commandée pour la galerie de peintures de Léopold Guillaume de Habsbourg, gouverneur général des Pays-Bas espagnols. A une époque où la décence interdit aux femmes de peindre d'après le modèle vivant, elle montre une réelle maîtrise de la représentation du corps masculin.
Parmi la trentaine de tableaux identifiés aujourd'hui, son autoportrait (collection particulière) a longtemps été considéré de la main d'Artemisa Gentileschi. Elle y revendique son statut de peintre, palette et pinceau à la main, sous les traits d'une femme établie de la bourgeoisie.
Sa dernière oeuvre connue est conservée en France : il s'agit d'une Annonciation conservée au musée-promenade de Marly-le-Roi (dépôt de la Ville de Marly-le-Roi, Inv. 77.30.11), anciennement attribuée au peintre de cour Pierre Bedeau. C'est la découverte de la signature en 1983 qui a permis de rendre cette composition de veine baroque à Michaelina.
UN PEU D'HISTOIRE MODERNE
Si la prospérité économique des Provinces-Unies est déjà un sujet d'étonnement, leur régime républicain l'est encore plus à l'époque des monarchies absolues.
Depuis sa sécession, le nouvel État s'est organisé. Chaque province possède ses états (organes délibératifs), un pensionnaire (équivalent d'un Premier ministre), qui assure le secrétariat des états, et un stathouder (gouverneur), qui commande l'armée, souvent au niveau fédéral.
Le grand pensionnaire (qui est en même temps le pensionnaire de Hollande), élu pour cinq ans et rééligible, est le principal personnage de l'État, chargé d'exécuter les décisions prises par les états généraux (40 députés des états provinciaux), tandis qu'un Conseil d'État (12 députés) contrôle l'armée et les finances.
Cependant, la bonne marche de ces institutions reste longtemps compromise par le conflit que se livrent, dès les premières années du xviie siècle, le parti orangiste (provinces orientales) et le parti républicain (Hollande et Zélande). Les nécessités de la guerre permettent aux princes d'Orange d'occuper la charge de stathouder dans la plupart des provinces et, par ce biais, d'acquérir un fort pouvoir personnel.
La paix venue, Guillaume II (stathouder de 1647 à 1650) songe à la royauté et n'hésite pas à allumer la guerre civile. À sa mort, les sept provinces décident de ne plus nommer de stathouder, et l'oligarchie commerçante arrive au pouvoir avec Jean de Witt, grand pensionnaire de 1653 à 1672.
L'essor rapide de l'Empire néerlandais et les interventions multiples des Provinces-Unies contre le Danemark (1646), la Suède (1655-1660) et l'Angleterre (1652-1654 et 1665-1667) assurent au pays la maîtrise des mers. Pourtant, en 1672, l'invasion française provoque la chute de Jean de Witt et la restauration de Guillaume III d'Orange.
UNE MUSIQUE D'UN BONHEUR CONTAGIEUX
À la cour de France, la musique est quotidienne et omniprésente. Elle rythme l’ordinaire et l’extraordinaire. Elle accompagne les offices religieux et agrémente les divertissements royaux, rehaussant le lustre des cérémonies ou délassant les souverains et les courtisans dans leur intimité. Élément de divertissement autant qu’outil politique, elle participe à l’affirmation du pouvoir et s’impose comme un élément majeur de l’identité, de la puissance et du rayonnement de la monarchie. La cour de France a toujours entretenu à cet effet un corps de musique capable de fournir en permanence les musiques et les effectifs nécessaires à leur exécution.
Élisabeth Jacquet de la Guerre
"Sur une Mer"
(air tiré de la cantate "Le Sommeil d’Ulysse")
https://youtu.be/BOQOmCgK3e8
Claveciniste et improvisatrice virtuose, Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729) est la compositrice la plus célèbre de l’Ancien Régime. Pionnière dans le domaine, elle intègre dans son écriture les différentes influences de son temps, au-delà du clivage entre esthétiques italienne et française.
Issue d’une lignée de musiciens, facteurs de clavecins à Paris, Elisabeth Jacquet est formée à la musique par son père Claude Jacquet, organiste à l’église Saint-Louis-en-l’Isle (4e arrondissement). Parmi ses frères et sœurs, Elisabeth Jacquet montre rapidement d’étonnantes dispositions pour le clavecin et pour le chant, ce qui lui vaut de se produire devant le roi Louis XIV à l'âge de cinq ans. Enfant prodige, elle s’accompagne dans des airs de sa composition, transposant facilement ses mélodies dans n’importe quel ton. Très appréciée par le Roi, elle intègre la cour à dix-sept ans sous la protection de sa favorite Madame de Montespan. A dix-neuf ans, elle épouse le claveciniste Marin de La Guerre, dont elle adopte le nom en même temps que la renommée.
Obligée de quitter la cour après son mariage, Elisabeth Jacquet de La Guerre s’installe à Paris sur l’île Saint-Louis, où elle donne nombre de leçons et concerts devenus très réputés. Elle compte notamment, parmi ses élèves, son filleul Louis-Claude Daquin. Interprète et improvisatrice hors pair, elle compose à cette époque diverses suites, sonates et sonates en trio pour le clavecin, qu'elle parvient à faire publier avec l'appui du Roi. Loin de limiter son travail à ce seul instrument, elle s'essaie à tous les genres musicaux : musique religieuse, musique profane, pièces de tradition française et nouveautés italiennes. Dans la lignée de Jean-Baptiste Lully, elle compose notamment la tragédie lyrique Céphale et Procris, d'après le mythe issu des Métamorphoses d'Ovide. Créée à l'Académie Royale de Musique, l’œuvre est également exécutée à l'Académie de Musique de Strasbourg, grâce à sa collaboration avec le compositeur Sébastien de Brossard. Elle écrit aussi de nombreux opéras, des opéras-ballets, des cantates françaises à une voix, ainsi qu'un Te Deum à grands Chœurs, qu’elle fait exécuter dans la Chapelle du Louvre pour la convalescence du roi Louis XV.
Toute sa vie, Elisabeth Jacquet de La Guerre a œuvré pour faire jouer sa musique dans les plus hautes sphères musicales de son époque, passant outre les entraves liées à son statut de femme. Malgré son engagement auprès de Louis XIV, elle ne put jamais accéder au poste de musicien officiel à la Cour, mais garda toujours le respect de ses pairs comme celui du Roi. Elle peut être considérée comme la première compositrice française.